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A la frontière du psychisme : la spiritualité ?

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Dans ce numéro de Rhizome n°54 en 2014,

Jean Furtos explore la notion d’esprit dans ses deux sens fondamentaux, la manière dont ils s’articulent avec la santé mentale et le rôle du commencement comme temps de guérison, notamment face au traumatisme.


1. Deux sens du mot “esprit”


a) Le sens psychique / mental


  • Renvoie aux facultés mentales : pensée, mémoire, imagination, affects.

  • Correspond au mind anglo-saxon, au mens latin.

  • Inscrit dans la tradition du dualisme corps-esprit.

  • Étudié par la psychanalyse, les sciences cognitives, les neurosciences.

  • C’est le domaine du « psy », des mécanismes psychiques normaux et pathologiques.


b) Le sens spirituel


  • Issu de spiritus : souffle, respiration, pneuma, rouah.

  • Désigne l’élan vital, les valeurs, l’inspiration, le désir, l’éthique.

  • Peut être religieux ou laïque (justice, beauté, fraternité comme valeurs transcendantes).

  • Représente ce qui dépasse et inspire la vie psychique.


Furtos affirme que la santé mentale dépend de l’articulation du psychique et du spirituel, d’où l’importance d’un paradigme bio-psycho-social-spirituel.


2. Le sens spirituel de l’esprit : guérir sans cicatrice

Furtos s’appuie sur une phrase de Hegel :« Les blessures de l’esprit guérissent sans cicatrice. »

Il interprète cette idée à partir de la dialectique hégélienne :

  • L’esprit est capable de traverser le négatif (la souffrance, la perte, le trauma).

  • Par l’Aufhebung : un mouvement de dépassement où ce qui a été vécu est à la fois aboli et conservé.

  • Ce processus permet une re-naissance, comparable au phénix.


Contrairement aux blessures psychiques, qui laissent des traces, l’esprit est capable de commencement, d’une guérison qui ouvre du nouveau.


3. Le rapport au négatif

Les défenses psychiques (refoulement, déni, clivage…) évitent de regarder le négatif en face. L’esprit, lui, a la puissance de séjourner auprès du négatif et d’en faire une source de transformation.

Le travail du deuil et de la symbolisation est ainsi une traversée du négatif, et non un évitement.


4. Vignette clinique : Augustus

Furtos illustre son propos par le cas d’un réfugié traumatisé :

  • Augustus a été témoin de meurtres atroces.

  • D’abord comme vidé de lui-même, « zombie ».

  • Le thérapeute l’accompagne en s’intéressant profondément à sa culture, langue, histoire, ouvrant un espace spirituel de reconnexion.

  • Le thérapeute devient un substitut de père , aidant Augustus à retrouver le pouvoir du commencement : apprendre le français, construire une vie, envisager un enfant.

Le pivot thérapeutique :

  • La fausse couche de sa compagne réactive le trauma.

  • Furtos l’aide à distinguer le bébé perdu de l’ami assassiné.

  • Cette clarification symbolique permet la reprise d'un mouvement vital.


Ce processus illustre comment la relation permet :

  • de regarder le négatif,

  • tout en insufflant du nouveau.


5. Le “grand temps”

Furtos oppose le temps figé du trauma (le temps de l’horloge bloquée) au grand temps, concept spirituel et relationnel.


Le grand temps rassemble :

  • Les morts, à leur juste place, via les rituels et la narration.

  • Les vivants, qui se transforment mutuellement dans la rencontre.

  • Les nouveaux-nés à venir, symboliques ou réels : projets, pensées, relations, actions.


Ce temps ressemble à celui qui représente le Dieu dans la bible judeo-chrétienne (« qui était, qui est et qui sera ») ou d'un temps chamanique : un temps de continuité vivante.


Dans le grand temps, les blessures de l’esprit peuvent guérir sans cicatrice, grâce à la possibilité toujours renouvelée de commencer.


6. Dernière vignette : Agnès

Une jeune femme incapable d’ouvrir ses valises comprend un changement décisif lorsque Furtos lui dit :« Non, pas terminer… commencer. »

Elle saisit alors le temps du commencement, moment où une vie nouvelle peut s’ouvrir.


CCL

Pour Furtos, La santé mentale ne repose pas seulement sur la réparation psychique, mais sur la capacité spirituelle de commencer, encore et encore, dans un « grand temps » qui relie morts, vivants et à-venir. Cette puissance de commencement émerge toujours dans la relation, grâce à l’autre, dans une communauté de souffle et de sens.


 
 
 

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© 2025  laetitia Veyron Psychologue

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