La "Psycho-écologie", une nouvelle discipline, mais un vocable qui existe déjà depuis plusieurs années, comme l'explique le neuropsychiatre français Boris Cyrulnik mardi au micro de La Matinale: "C'est un terme qui a été proposé il y a longtemps en Allemagne par un psychiatre, Urie Bronfenbrenner, mais qui n'a eu aucun succès, qui n'a pas été accepté par la culture qui n'était pas prête".
Or, aujourd'hui, à l'heure où l'écologie se développe, l'homme de science explique que l'on se rend compte que
"l'environnement nous façonne, sculpte notre cerveau et tutorise nos développements psychologiques beaucoup plus qu'on ne le croyait". Boris Cyrulnik
Cela se produit en trois étapes: "Cela débute dans le ventre des femmes où le cerveau du bébé commence à se développer: c'est l'appareil à percevoir le monde. Après la naissance, il y a une niche sensorielle qui est composée, bien sûr, inévitablement, de la mère et du père – beaucoup plus tôt que ce que l'on croyait. Et la troisième niche, la verbalité, qui apparaît au cours de la troisième année et qui sculpte aussi le cerveau"
Verticalité et horizontalité
Dans "Des âmes et des saisons, psycho-écologie", on découvre que l'être humain se construit "verticalement", par son hérédité, mais aussi et surtout "horizontalement", par son environnement.
Nous sommes beaucoup plus perméables à ce qui nous entoure comme par exemple l'altitude ou le climat: "La génétique parle juste pour dire qu'un spermatozoïde d'homme qui rentre dans un ovule de femme, ça va donner un bébé humain. Mais ce bébé humain peut partir dans toutes les constructions possibles selon l'organisation du milieu", remarque Boris Cyrulnik.
Et de donner l'exemple de l'influence de l'altitude avec les jeune femmes du Tibet, vivant dans de hautes contrées, qui sont réglées en moyenne vers l'âge de vingt ans: "Alors que les mêmes femmes qui descendent dans les plaines le sont vers douze ou treize ans. On constate qu'actuellement, en Occident, notre culture est tellement devenue technique et a tellement changé qu'il y a de plus en plus de petites filles qui sont réglées maintenant à l'âge de huit ans. Donc on est vraiment sculptés biologiquement par notre environnement".
L'influence du verbe
Quelque chose du domaine du ressenti, du non-physique, du non-palpable a donc un effet direct sur notre corps, et cela vient de notre habilité à parler: "On est capable, en parlant, de rendre présentes des représentations absolument impossibles à percevoir. On peut s'indigner pour une bataille perdue il y a quelques siècles. On peut s'indigner pour une persécution subie au cours des âges, pour une invasion: c'est-à-dire une représentation d'un événement totalement impossible à percevoir, et qui n'est représentée que par des mots. Et ces mots, ces récits – comme une insulte, un compliment – modifient notre manière de fonctionner".
"Si je vous insulte – ce que je ne ferai pas! – vous allez rougir ou pâlir. C'est-à-dire que, rien qu'avec un mot, je modifie la sécrétion de vos hormones du stress. Donc nous ne sommes pas coupés du milieu et la verbalité, c'est la troisième niche écologique".
La crise climatique, une catastrophe
Avec la crise climatique et la prise de conscience actuelle, nous serions donc à un tournant majeur de nos constructions intérieures et intimes, dans nos corps: "C'est ce qui s'est passé en biologie, c'est régulier: on parle d'évolution par catastrophe. On parle actuellement de crise. Or, le mot 'crise' vient du milieu médical – une 'crise d'épilepsie': 'Il parle. Soudain, il tombe, convulse; il se relève et finit sa phrase'. Ça, c'est la définition de la crise; or, ce n'est pas du tout ce qui se passe. Ce qui se passe, c'est une catastrophe, καταστροφή: du grec 'kata', coupure, et 'strophein', je prends un virage. On va se remettre à vivre: il faudra bien. Mais comment va-t-on se remettre à vivre? Il faudra prendre un virage et se remettre à vivre autrement, puisque notre économie a changé et va encore plus changer", souligne-t-il.
Interview radio: Valérie Hauert
Version web: Stéphanie Jaquet
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