"Asseyez-vous, le dos droit, les mains détendues. Maintenant, focalisez votre attention sur votre respiration." Celui qui distille ce conseil au public n'est pas un maître zen, mais le professeur Steven Laureys, neurologue, directeur du Coma Science Group au CHU de Liège (Belgique). Un chercheur mondialement reconnu pour ses travaux sur la conscience et les cerveaux lésés. Le neurologue qui considérait la méditation comme un "phénomène de mode" au début des années 2000, a fait sa révolution. Le tournant ? Sa rencontre décisive avec Matthieu Ricard, moine bouddhiste et docteur en génétique, dont il a étudié le cerveau. Il en est désormais convaincu : "La méditation, c'est bon pour le cerveau ! ", titre de son dernier essai (Odile Jacob 2019). "C'est une gymnastique mentale qui n'a rien de magique ni d'ésotérique, assure Steven Laureys. Elle exerce la capacité de régulation de l'attention et des émotions." Preuves scientifiques à l'appui.
La forme de méditation la plus médiatisée dans le monde occidental est dite, en français, de pleine conscience (calque de l’anglais mindfulness), qui consiste à prendre conscience de ses pensées, émotions, sensations… sans porter de jugement. Deux programmes sont utilisés dans le domaine de la santé. En France, ils sont proposés dans plus de 30 hôpitaux, enseignés dans cinq diplômes universitaires (DU) et sont étudiés dans 19 programmes de recherche, tant en épidémiologie, psychiatrie, imagerie cérébrale qu’en épigénétique. Et une étude de l’Inserm à Caen (Silver Santé Study) a obtenu 6 millions d’euros de l’Europe pour évaluer l’effet de la méditation sur le vieillissement.
Le sujet est même devenu un enjeu officiel. Un colloque sur la pleine conscience, organisé par le ministère des Solidarités et de la Santé, s’est tenu à l’Assemblée nationale en juin 2019. "La pratique permet de développer une “présence à soi” et des compétences dont les bénéfices vont être nombreux sur la santé physique, psychique et les relations sociales, a ainsi assuré Jérôme Salomon, directeur général de la santé. De nombreuses études scientifiques ont montré des résultats positifs de cette pratique laïque et “protocolisée” sur l’attention focalisée, les symptômes anxio-dépressifs, la prévention des rechutes dépressives et addictives et de la dépression post-partum, les troubles bipolaires, la diminution de la tension artérielle et une meilleure gestion de la douleur. "
Savoir faire le tri pour méditer sans danger
Pourtant, sur plus de 2000 publications traitant de méditation, un tri s’impose. "Nombre d’études n’ont pas été assez étayées, ni correctement contrôlées", précise Steven Laureys. Devant l’Assemblée nationale, Anne Josso, secrétaire générale de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), a souligné d’autres biais : les chercheurs impliqués sont souvent eux-mêmes méditants et certains financements proviennent d’organismes privés directement intéressés. En outre, sur 2800 signalements faits auprès de la Miviludes en 2018, une centaine concernait cette pratique (enseignants non ou mal formés, dérives sectaires). Attention donc à ne pas installer son coussin de méditation n’importe où ! Et à bien connaître les effets secondaires potentiels.
Cet article est issu du magazine Sciences et Avenir n°875, "Neurosciences et méditation", daté janvier 2020.
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